Suite à Vue & Vie à Rennes le 1er décembre 2017
Cette soirée fut un beau moment d’échange autour la
contemplation de l’art comme ressource spirituelle. L'atmosphère comme l'a dit une des participantes était "(...) très particulière. Les participants étaient vraiment intéressés par le
sujet et une certaine complicité semblait circuler dans la salle."
L’art nous offre en effet,
la possibilité d’un autre mode de connaissance du monde : une co-naissance pour reprendre la formule
de Paul Claudel.
Co-naître c’est naître avec. Instant après
instant, « sujet percevant »
et « objet perçu » se
produisent mutuellement : la montagne que je vois est celle que je vois ou, pour le dire autrement, il
faut que je la voie pour qu’il y ait quelque chose comme une montagne ou,
tentons une dernière formulation : quand je dis « Il y a une montagne », est-ce que
je ne dis pas d’abord « Je perçois
ce que j’identifie comme étant une montagne » ?
De même qu’est-ce que mon esprit sinon ce qui
l’occupe ? L’impression sensible de la montagne occupe mon
esprit : il prend forme de
sensations montagneuses, de pensées et d’émotions à propos de ce phénomène. Où
serait le « pur esprit »,
« pur sujet » sans perceptions
ni sensations ? Suspendu dans le néant ?
Un pur objet ou un pur sujet ne sont-ils pas de pures
abstractions ? Une manière de réifier le flux du réel ?
Nous sommes sans cesse pris dans cette co-naissance, mais, sans cesse, nous
surimposons à notre expérience toutes sortes de concepts. Ceux-ci sont utiles,
comme une carte peut l’être, mais trompeurs, car l’on est souvent tenté de
prendre la carte pour le territoire. Nous réduisons ainsi notre expérience aux
concepts qui nous permettent de l’identifier. De ce réductionnisme résulte un
appauvrissement de la vie. Certains artistes (que je qualifierais de contemplatifs) font usage d’une
imagination active qui entend co-naître en
conscience. Cela pourrait être cela l’art : assumer pleinement,
consciemment et activement le processus de production mutuelle du sujet et de
l’objet qui a été évoqué plus haut.
C’est ainsi que Shitao déclare qu’il devient la voix par laquelle
fleuves et montagnes s’expriment, car ils sont nés en lui et lui en eux.
Produisant des œuvres dont la source est une authentique
présence au réel, l’artiste en vient à « sculpter sa propre statue » (ce qui est le but même de la
sagesse selon Plotin) et nous invite à faire de même. En effet, il y a un art
qui consiste à créer des œuvres ; il y a un art qui consiste à les contempler
et il y a l’art suprême de la vie. Tous ces arts, convergent dans leur
aspiration à vivre selon la sagesse.
C’est dans cette perspective que nous avons contemplé les
œuvres de Nicolas Poussin, Shitao, Paul Cézanne, Robert Filliou et Nadia
Aït-Saïd.
Nicolas Poussin |
Shitao |
Paul Cézanne |
Sur les artistes évoqués lors de la conférence
-
Olivier Long, L'Oeuvre comme exercice spirituel :
L'imaginaire stoïcien des artistes, Herman.
-
Les
propos sur la peinture du moine Citrouille-Amère (trad. Pierre Rysckmans),
Heman.
-
Charles
Juliet, Shitao et Cézanne : Une même expérience
spirituelle, L’échoppe.
-
Pierre Tilman, Robert Filliou – Nationalité poète, Presses du réel.
Pas encore (mais cela ne saurait tarder) d’ouvrage sur
Nadia Aï-Saïd mais vous pouvez consulter son site internet ici.
Sur une approche spirituelle de l’art
contemporain :
-
Philippe Filliot, Etre
vivant, méditer, créer, Actes Sud.
-
Philippe
Filliot, Illuminations profanes, Scala.
Enfin, je vous invite à visiter le site du CCB de Rennes un lieu qui fait vivre avec beaucoup de dynamisme les
différentes formes de la spiritualité bouddhiste.
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